ALTRALANG Journal
Volume 4, Numéro 1, Pages 124-137
2022-06-30

L'écriture Et Le Dépouillement

Auteurs : Charest Mélitza .

Résumé

Love me tender (2020) est le quatrième livre de Constance Debré . On y suit le parcours de Constance qui poursuit son exploration de l’amour lesbien, entamé dans Playboy (2018), mais surtout de l’amour tout court. L’ex-époux, Laurent, ne digère pas le changement d’orientation sexuelle de la narratrice et s’engage dans une lutte juridique pour la garde du fils. Il pousse l’indécence jusqu’à proférer de fausses accusations d’inceste, ce qui éloigne considérablement la mère de son fils pour un temps - un temps indéterminé - et qui propulse la narratrice dans une réflexion sur l’essentiel, le dépouillement, le sens de l’amour et la recherche du soi, celui qui reste une fois qu’on a tout jeté. Et si l’espoir résidait justement dans le dépouillement? Même si son livre bouscule et malmène, Debré ne cherche pas la provocation. Elle se cherche, en pleine crise et déchiquette les lieux communs les plus immuables : l’amour maternel, par exemple. Elle annonce les couleurs de sa réflexion dès l’incipit : « Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’en foutre, une fois pour toutes, de l’amour, de l’amour prétendu, de toutes les formes d’amour, même de celui-là, pourquoi il faudrait absolument qu’on s’aime, dans les familles et ailleurs, qu’on se le raconte sans cesse, les uns aux autres ou à soi-même. » (2020, p. 9) Mais oui, au-delà de la provocation et au-delà du malaise, il y a bien une recherche de ce qui reste après. Après qu’on s’est dépouillé de tout. Comment on fait ? « […] on s’aperçoit qu’on peut très bien, qu’il ne se passe jamais rien avec les choses. » (2020, p. 31). Et donc, la narratrice se défait de tous ses liens, professionnels, matériels, sexuels, maternels. Même si, oui, elle aime son fils. Ce n’est pas un hasard si, ce choix, cette « [démission] de tout » (2020, p. 41) correspond à « l’indifférence du néant » (2014, p. 111) identifiée par Jaquet dans la pensée de Blaise Pascal. La recherche de Debré est pascalienne, car la quête de la narratrice n’est-elle pas d’abord et avant tout « la conscience douloureuse d’être un personnage plutôt qu’une personne et [la découverte] de son propre néant » ? (2014, p. 113) Et puis se connaître et en quelque sorte dédramatiser l’amour implique une totalité dans l’engagement de soi. Une sorte de danger nécessaire : « [l]es conditions sont pures. Je joue pour de vrai. Il n’y a que ça qui compte. Que ce soit vrai. Qu’il y ait un risque, Il n’y a que ça qui vaille. » (2020, p.60) C’est « l’expérience du changement radical d’état, l’épreuve du passage d’un monde à l’autre » (2014, p. 119) que Debré tente d’observer en elle-même. Puis, après la découverte de son propre néant et de son insoutenable liberté, que reste-t-il sinon l’espoir de l’authenticité des émotions? L’espoir d’un amour dénudé des habituelles illusions, le choix, peut-être, d’aimer.

Mots clés

Assignation ; Constance Debré ; Transclasse ; Transfuge ; Non-Reproduction ; Love me Tender ; genre